"Mémoires d’Hadrien" de Marguerite Yourcenar EN FRANÇAIS DANS LE TEXTE
Sophie Descotes Sophie Descotes
974 subscribers
540 views
11

 Published On Feb 10, 2021

Une émission du 16/01/2021 de France culture Olivia Gesbert

"En français dans le texte" analyse un extrait de "Mémoires d’Hadrien" de Marguerite Yourcenar. Pour sa dictée, Rachid Santaki proposera "Les Dons des fées", extrait du recueil "Le Spleen de Paris" de Charles Baudelaire, et, en fin d'émission, une nouvelle anagramme d'Etienne Klein.

Le contexte
Marguerite Yourcenar a conçu le projet de ce livre en 1924. Fascinée par cet homme, elle décide après une visite de la villa Hadriana avec son père de se faire archéologue « du dedans ». Après bien des années d’hésitations, elle redécouvre son manuscrit dans une vieille malle en 1948, date qui n’est pas anodine, quelques temps après la fin de la guerre. « Depuis ce moment, il ne fut plus question que de récrire ce livre coûte que coûte », écrit-elle.

Près de vingt siècles après, il est d’une brûlante actualité. Ces constantes références d’Hadrien à « l’éternité » rappellent la formule de Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »

Plus violents encore que la crise économique et morale de 1919, les bouleversements de la seconde guerre jettent une lumière nouvelle sur la figure d’Hadrien, désormais figure politique, alors que Yourcenar avait à l’origine été séduite par l’esthète bâtisseur et ses amours. « Si cet homme n’avait pas maintenu la paix du monde et rénové l’économie de l’empire, ses bonheurs et ses malheurs m’intéresseraient moins ».
Quelle fidélité à la réalité ?
« Trimalcion et Néron sont morts » : cette phrase montre que fable et histoire cohabitent dans le texte, puisque sont juxtaposés le cinquième empereur de Rome et le richissime affranchi qui donne un festin dans le Satyricon. Yourcenar a ainsi mêlé à ce monologue fictif des faits historiques, des vestiges (par exemple, le mur d’Hadrien), des œuvres réellement composées par l’empereur, ou encore l’existence d’une autobiographie destinée à son successeur.

Hadrien se raconte : « j’ai reconstruit », « j’ai effectué » , « j’ai veillé à ce que » , « j’ai défendu que », etc. À l’image d’un empereur bâtisseur qui est toujours demeuré maître des décisions.

Universalité et immortalité
Yourcenar insiste sur la proximité entre le je scripteur du IIème siècle et l’humanité toute entière, et aussi notre propre époque contemporaine.

Mais quel parallèle l’auteure fait-elle entre le IIe siècle après J.-C. et le XXe siècle d’où elle parle ? Yourcenar souligne nos insuffisances et critique toutes les dérives du XXe siècle, comme le taylorisme qui transforme les hommes en « machines », ou toutes les formes d’esclavage moderne. Les aspirations et les actions de l’empereur Hadrien en faveur de la justice et du droit sont universelles.

Marguerite Yourcenar croit au pouvoir incantatoire des mots. Il suffit de les prononcer pour immortaliser Rome. Dans la dernière section du volume, Hadrien commente : « Vue par lui, l’aventure de mon existence (…) s’organise comme un poème. » Ce livre est un tombeau littéraire, celui d’Hadrien.

Extrait lu par la comédienne Elsa Lepoivre, sociétaire de la Comédie-Française*
L'analyse de ce texte a été préparée par Simon Bournet-Ghiani, professeur au lycée Paul Cézanne à Aix en Provence.

show more

Share/Embed