Deleuze et la littérature (2/4) : Henry James, l'art du secret
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 Published On May 20, 2017

Les Nouveaux chemins de la connaissance
Émission diffusée sur France Culture le 06.12.2016.
Par Adèle Van Reeth.

Les personnages de littérature sont de grands penseurs, remarquait Deleuze. Quoi de plus juste, à la lecture des romans d'Henry James ?

Les romans d'Henry James dont chaque personnage est un miroir, romans qui parviennent à créer des jeux de symétrie, et même à illustrer la thèse de Leibniz sur les monades. Si "la littérature d'imagination habite une maison qui n'a pas une seule fenêtre, mais des millions", Deleuze nous aide à y accéder, et c'est David Lapoujade qui nous y introduit.

Le texte du jour :
« Si un écrivain eut affaire avec le secret, ce fut Henry James. Il a toute une évolution à cet égard, qui est comme la perfection de son art. Car le secret, il le cherche d’abord dans des contenus, même insignifiants, entrouverts, entraperçus. Puis il évoque la possibilité d’une forme infinie du secret qui n’aurait même plus besoin de contenu et qui aurait conquis l’imperceptible. Mais il n’évoque cette possibilité que pour poser la question : le secret est-il dans le contenu, ou bien dans la forme ? – et la réponse est déjà donnée : ni l’un ni l’autre. C’est que James fait partie de ces écrivains pris dans un devenir-femme irrésistible. Il ne cessera de poursuivre son but, et d’inventer les moyens techniques nécessaires. Moléculariser le contenu du secret, linéariser la forme. James aura tout exploré, du devenir-enfant du secret (toujours un enfant qui découvre des secrets) au devenir-femme du secret (un secret par transparence, et qui n’est plus qu’une ligne pure laissant à peine la trace de son passage). […] Ce qui compte dans le secret, ce sont moins ses trois états, contenu d’enfant, forme infinie virile, pure ligne féminine, que les devenirs qui y sont attachés, le devenir-enfant du secret, son devenir-féminin, son devenir-moléculaire – là où précisément le secret n’a plus ni contenu ni forme, l’imperceptible enfin perçu, le clandestin qui n’a même plus rien à cacher. »
Gilles Deleuze, Mille plateaux, Minuit, 1980, p.355-356.

Extraits :
L’Abécédaire de Gilles Deleuze
Gilles Deleuze, cours du 17/05/1983
Gilles Deleuze, cours du 15/04/1980
« Anniversaire Henry James », France culture, 05/05/1966

Lectures :
Gilles Deleuze, Mille plateaux, Minuit, 1980, p.355-356
Henry James, Un portrait de femme, 1881, trad. Philippe Neel, Stock, 1969, p.511-512
Henry James, « Dans la cage », V, 1898, trad. Aurélie Guillain, dans Nouvelles complètes, tome IV, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2011, p.138-139

Références musicales :
Max Reger, Bunte blatter
Charles Trenet, De la fenêtre d’en haut
Francis Poulenc, Sonate pour 2 clarinettes

Intervenant :
David Lapoujade : maître de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne.

Bibliographie :
David Lapoujade, Deleuze, les mouvements aberrants, Les éditions de Minuit, 2014.
David Lapoujade, Fiction du pragmatisme : William et Henry James, Minuit, 2008.

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